La Villa Lorraine et sa Brasserie

La Villa Lorraine c’est LE RESTAURANT mythique de Bruxelles, on l’appelait d’ailleurs « La Grande Dame ». Ce fut le premier restaurant triplement étoilé hors de France, 64 années (à ce jour) de bons et loyaux services et toujours debout. Ses heures de gloire remontent aux années 60 et 70. C’était la propriété d’un maître d’hôtel d’exception, Marcel Kreush, qui laisse davantage son nom à l’histoire de la Villa que Camille Leurquin, le chef qui lui apporte une troisième étoile en 72. Les décennies suivantes furent moins fastueuses, la Villa restant une table réputée tout en perdant de son lustre au fil des années. Son activité se divise aujourd’hui entre le restaurant gastronomique, La Villa, une brasserie et l’activité traiteur. Elle a reconquis une étoile en 2013 grâce à Alain Bianchin.

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L’homme à l’origine de la renaissance de la Villa Lorraine c’est Serge Litvine, un homme d’affaires accompli, actif dans le secteur agroalimentaire industriel belge. Serge Litvine est plus connu en tant que propriétaire de la Villa Lorraine (1 étoile), de la Villa In the Sky (2 étoiles), de La Villa Emily (1 étoile), de Odette en ville, du Seagrill (2 étoiles) et depuis quelques semaines de Gaudron. L’homme est non seulement un homme d’affaires avisé mais il est également un passionné de cuisine depuis son plus jeune âge.

Après les départs successifs d’Alain Bianchin puis de Maxime Colin, c’est  Gary Kirchens, 29 ans, le nouveau chef. Finaliste du Concours 2016 « L’Étoile de la Cuisine belge« , son parcours est assez impressionnant. Il s’est formé en France, notamment à Paris où il est passé par les cuisines du Georges V, sous la direction d’Éric Briffard. Il a également travaillé dans les cuisines de Pierre Gagnaire à Courchevel, et auprès de Sylvestre Wahid, à l’Oustau de Baumanière aux Baux de Provence. C’est d’ailleurs Sylvestre Wahid, qui fut un temps consultant pour la Villa, qui a recommandé Gary Kirchens à Serge Litvine.

Villa LorraineJ’ai eu l’occasion de déjeuner quatre fois à la brasserie de La Villa Lorraine, et une fois au restaurant gastronomique. Lors de ma première visite, pour un lunch de travail, nous avions choisi le menu BIB Gourmand à 37 € ; je me dis souvent que si un chef est capable de m’épater lors d’un simple lunch, il sera capable de faire encore mieux lors d’un dîner, et c’était le cas. Le menu dont je suis incapable de me souvenir des plats commandés, était tout simplement parfait ; ça je m’en souviens par contre.

L’ambiance est plus décontractée à la brasserie de la Villa Lorraine, mais l’accueil est très professionnel. Vous bénéficiez d’un voiturier, d’une hôtesse d’accueil, et d’un personnel à la hauteur. La salle est classieuse, et les tables sont suffisamment espacées, pour ne pas devoir écouter la conversation de votre voisin.

Au final une addition plus légère, une cuisine de brasserie, mais de bonne brasserie, comme peu de restaurants savent le faire.Villa Lorraine Villa Lorraine Villa Lorraine Villa Lorraine Villa Lorraine

Après une conversation avec mon ami Fabrice Jacquart, qui me conseille le lunch du restaurant gastronomique, et dit-il : pour quelques euros de plus (49€ 3 services) tu verras Normann c’est un autre monde, tu ne seras pas déçu. Ni une ni deux, j’ai réservé la semaine suivante pour un lunch, cette fois avec madame. Par respect j’avais revêtu, ce jour là, un costume.

Nous avons pris un apéritif dans le salon qui sépare la brasserie du restaurant gastronomique, en attendant que notre table soit prête, tout en admirant un Vasarely.

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Le restaurant gastronomique de la villa Lorraine, c’est en effet un autre monde, je dirais plus luxueux.

Le premier chantier de Serge Litvine, lorsqu’il reprend le restaurant, était de rendre à la Villa Lorraine son lustre d’antan et de retrouver tout ou partie des 3 étoiles perdues, en adoptant un décor plus contemporain. Quand en 2012, Alain Bianchin prend en charge la gestion des cuisines, ce changement plut de suite au guide Michelin, puisqu’il rendra une étoile dans son édition 2013 à la Villa Lorraine. Maxime Colin pendra la succession d’Alain Bianchin en août 2014, et ensuite Gary Kirchens en 2016.

Cette même année, la terrasse sera complètement réaménagée afin d’offrir un petit écrin de verdure aux gastronomes.

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Les jeunes chefs sont souvent encadrés par des anciens, Maxime Colin avec Alain Bianchin , et Gary Kirchens avec Yves Mattagne.

C’est donc dans cette grande salle, haute en couleurs, que nous avons eu notre lunch, assis à cette petite table à droite.

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Notre lunch du jour en 3 services :
– Mises en bouche
– Coquilles St-Jacques en robe d’encre de seiche, avocat et céleri
– Cochon de lait rôti, persil tubéreux, kumquat
– Biscuit Mirliton, ananas rôti, espuma coco, sorbet ananas

Accompagné par un Sancerre 2015 Henri Bourgeois Grande Réserve. Très fin au nez avec des arômes de fruits frais et d’agrumes, C’est ce même vin que j’ai repris lors de mes cinq visites à la Villa Lorraine.

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S’en est suivi quelques temps plus tard, un deuxième lunch avec quelques collègues de travail, puis ce 19 juin, je reçois un email de Mr Litvine qui me dit la chose suivante (sans doute lié à un article récent sur les hamburgers à Bruxelles : Savez-vous Normann que la Brasserie de la Villa Lorraine fait aussi un hamburger, pain de chez Ducobu , viande de chez Alexandre Polmard et sourire de la villa ?

L’homme a su attiser ma curiosité. J’ai commencé par demander la permission de faire quelques photos du restaurant et de l’équipe de cuisine, pour mieux revenir le lendemain essayer le hamburger façon Villa Lorraine.

Puis avant mon déjeuner j’ai lu ce qui se dit sur Alexandre Polmard, et pourquoi les chefs étoilés se l’arrachent. D’abord chez les Polmard (en Lorraine, rien a voir avec la Villa à Uccle qui porte le même nom 🙂 ), on est boucher de père en fils depuis six générations et maintenant éleveur-engraisseur.

Son choix c’est la blonde d’Aquitaine, une race pure, inscrite au registre généalogique d’élevage, qui présente un grain d’une extrême finesse. Les bêtes arrivent sur l’exploitation lorsqu’elles sont âgées de 6 à 8 mois en pesant 200 kilos. Après deux à quatre semaines de mise en quarantaine, elles profitent d’immenses pâturages avec vue imprenable sur la vallée lorraine. Elles y restent entre deux ans et demi et trois ans pour être engraissées avec une alimentation adaptée à leur âge et à leur masse corporelle. Luxe du luxe, elles disposent de parcs d’été et de parcs d’hiver, avec des abris de paille sèche pour s’allonger paisiblement et vivre d’amour et d’herbe fraîche ! Les six derniers mois, elles rejoignent des box pour être terminées au tourteau de colza pressé à froid, au triticale, une variété entre le blé et le seigle, à la luzerne, à la pulpe de betterave, au foin et à la pierre de sel. L’équilibre alimentaire permet d’agir sur le pH et sur le gras intramusculaire, deux facteurs déterminants.

Après l’abattage, et le découpage, vient enfin la phase spectaculaire  « d’hibernation », un passage de deux minutes dans une machine à – 120 °C avec une force de ventilation à 120 kilomètres/heure, pour figer le bœuf à son stade optimal d’affinage. Contrairement à la congélation, ce processus ne modifie ni le goût, ni la tendreté, ni le jus (ça c’est Alexandre Polmard qui le dit). La méthode innovante permet surtout de conserver la viande indéfiniment au congélateur. Une côte de bœuf de 1998 achetée à 1200€ par Fabrice Vulin s’est envolée en 2015 à 3000€ au Caprice, le restaurant du Four Seasons à Hongkong, ce qui, pour la presse anglo-saxonne, en a fait « le steak le plus cher au monde ». À ce tarif-là, mieux vaut que la cuisson soit parfaite…

Donc au menu ce jour : Hamburger ‘Boucherie Polmard’ Oignons frits, Cheddar, bacon, Mayonnaise Teriyaki.
Alors qu’en est-il vraiment? Le hamburger est vendu 26€, la viande a un gout plus fort en bouche, normale c’est une viande maturée. Maintenant je vais être honnête, je ne peux pas dire ici si la viande d’Alexandre Polmard est la meilleure du monde, entre un excellent bun de chez Ducobu, une feuille de salade, du bacon et une sauce mayonnaise teriyaki. Si je voulais avoir une réelle opinion d’une viande de qualité comme celle-ci il me faudrait commander une entrecôte, et la savourer telle quelle, sans artifice, sans sauce. Je peux juste dire que j’ai mangé aujourd’hui un excellent burger, copieusement servi, qui vaut assurément 26€.

Au jour d’aujourd’hui le plus d’une viande et ce qui en fait son prix et sa qualité, c’est sa traçabilité, et de ce coté-là avec Alexandre Polmard on est rassuré. Et je suis content que Mr Litvine ait pensé à moi pour lui donner un avis sincère. Maintenant, moi, je dis que ce n’est peut-être pas le hamburger que les enfants vont apprécier, mais Mr Litivine dit quelque chose qui n’est pas faux : C’est à nous de faire leur éducation ! Et je ne vais pas lui donner tort, sauf que moi je n’y suis pas encore arrivé avec mes petits enfants, mais avec ma fille oui 🙂

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Je n’ai pas su résister au Millefeuille caramélisé, crème pâtissière vanille, glace vanille qui me faisait de l’œil sur la carte des desserts. Et encore une fois j’ai bien fait, c’était un excellent millefeuille.

Villa Lorraine

Souhaitant avoir un deuxième avis, je suis retourné le lendemain accompagné d’un collègue normand, qui confirme mes dire, il s’agit d’un excellent hamburger.

Quand à moi j’ai pris  le Tartare de thon, façon Américain, mesclun et j’ai remplacé les frites par un riz sauté. aucune surprise c’était excellent.

Villa Lorraine

Pour le dessert mon choix s’est porté sur la Véritable dame blanche, servie avec son chocolat chaud maison, et sa chantilly tout aussi maison.Villa Lorraine

Alors pour conclure, autant j’ai aimé la brasserie, autant j’ai aimé le gastronomique, le chef Gary Kirchens encore jeune est en passe de devenir un grand chef. En dehors de la cuisine à qui vraiment je dit un grand bravo, le cadre et le service sont très agréable. Bravo.

La Brasserie de la Villa Lorraine propose un menu BIB Gourmand à 37€, dans une ambiance plus décontractée. Et bien sur la carte de la brasserie.

Quant au restaurant gastronomique il propose le menu VILLA LORRAINE à 165€ et 265€ avec la sélection de vins.
Le menu BOIS DE LA CAMBRE à 125€ et 200€ avec la sélection de vins.
Ainsi qu’un menu du Marché (3 services) à 85€ et un menu déjeuner (3 services) à 49€.

Le restaurant est ouvert du mardi au samedi de 12H à 14h et de 19H à 22H.
1 étoile au Guide Michelin et 16/20 au Gault & Millau.
L’adresse : Avenue du Vivier d’Oie 75, 1000 Bruxelles. Téléphone +3223743163

Désolé d’avoir été si long mais on ne parle pas d’une maison qui a 64 ans en un paragraphe.

Plus de photos

 

Les photos de cet article qui portent le ©Normann ont été prises par son auteur. Cet article n’est pas sponsorisé j’ai donc payé mon addition.

2 Comments

  1. Encore une excellente adresse, merci pour le reportage et le billet (une adresse certes illustre, voire intimidante, mais quand elle est démystifiée par un reportage signé Normann, on ne peut que mieux l’apprécier)

    26€, ça fait cher le burger mais évidemment, avec tous les ingrédients, c’est compréhensible.

    J’ai l’impression que de nombreux restaurants essaient de tirer les plats de la culture populaire vers le haut, comme s’il fallait prouver que le hamburger était un plat digne de satisfaire le palais des plus gourmets…

    Je ressens dans le texte comme une frustration dans le fait de « réduire » le sort de cette Blonde d’Aquitaine à un sandwich coincé entre une feuille de salade, deux tranches de pain et nappé de sauce mayo teriyaki….? La génération de gourmets précédente aurait crié au scandale ou au sacrilège. 😀

    C’est comme les ShaLongBao au wagyu ou à la truffe chez DamSum. Oui, c’est bon, mais avec des ingrédients qui sortent de la norme et à ce prix-là, j’espère bien que c’est bon, encore heureux!

    Mais bon, laissons de côté l’hamburger, la cuisine ici a l’air fondamentalement exceptionnelle! Quelle était la nature de l’amuse-bouche avec l’émulsion dans le lunch de la VL? Je rêve ou est-ce du caviar dans l’entrée avec les saint-jacques à la robe d’encre de seiche? la vaisselle a l’air très belle…

    ça donne envie!

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