La Fruitière 1900 à Thoiria, c’est l’affaire de Sylvain Robez-Masson. Il a 36 ans, a longtemps travaillé comme fromager itinérant (il remplaçait ses collègues afin qu’ils puissent prendre quelques jours de congés bien mérités). Ironie de l’histoire c’est lui maintenant qui ne sait plus prendre de congés.
Certes il y a eu quelques moments difficiles, surtout au début, mais maintenant c’est une affaire qui tourne, et qui le fait vivre lui et sa famille.
L’homme a son franc parlé, c’est un homme de la terre, donc pas de rond de jambes, ni de phrases à double sens. Avec Sylvain blanc c’est blanc et noir c’est noir.
Je l’avais contacté il y a quelques mois déjà, au moment ou je finalisais mon parcours jurassien, mais comme c’est le début de la saison touristique, rien n’était sur, Sylvain ne fabrique que lorsqu’il est certain de plus ou moins remplir sa salle de fabrication. En effet la visite étant gratuite, seule la vente du produit fini lui permet de se sortir un salaire. Alors fabriquer 45kg de comté, pour un pèlerin avide de photos sensationnelles comme moi, n’aurait pas été viable.
Mais comme Sylvain est sympa, et que je tenais absolument à mon reportage, il a décidé ce matin du 5 mai de faire cet effort, malgré le peu de réservations. Il s’avéra plus tard que de 5 ou 6 personnes annoncées une vingtaine a répondu présent à l’appel. Une excellente chose pour tout le monde.
Sylvain m’attendait de pied ferme à 9H du matin sur le pas de sa porte. « ah c’est le photographe, bienvenue, bon asseyez vous moi je vais me prendre un café, nous ne serons pas nombreux ce matin ». Il faut dire que la journée d’un fromager ne commence pas à 9H du matin.
Le temps du café c’est tout d’abord une petite dizaine de personnes qui arrivent de tout horizon, en famille. Plus tard nous terminerons à presque 20 personnes. A partir de juin la fruitière accueille entre 50 a 70 personnes.
Un luxe pour moi qui n’aime pas la foule.
Lorsque l’on arrive le lait a déjà maturé (le lait a été chauffé à 30°C dans la cuve puis écrémé), puis il y a eu le caillage, phase au cours de laquelle Sylvain a ajouté au lait de la présure afin de constituer du « caillé », contenant le petit lait.
A 9H30 il annonce que dans 7 minutes, le lait aura pris la consistance du yaourt.
Et 7 minutes plus tard devinez quoi? C’est prêt.
Et là Sylvain procède au décaillage, opération qui consiste à trancher le caillé obtenu précédemment en très petits morceaux avant de le chauffer à 55°C pour ôter le petit lait
Sylvain doit avoir 6 bras et 3 paires d’yeux, car il manipule le lecteur DVD et disserte sur la fabrication du comté, tout en surveillant la chauffe du lait, en ajoutant du petit bois, en soufflant sur le feu……….Car ici mis à part le lecteur DVD, tout est manuel.
Je ne vais pas vous refaire ici même un cours sur la préparation du fromage, les infos pertinentes se retrouvent au fil de mon reportage (ici par exemple ou là) sauf que ici tout se fait à la main comme dans les années 1900 (d’ou le nom de la fruitière).
Les outils de Sylvain, son 3eme sens. Ainsi pour savoir si le lait est à la bonne température, il trempe sa main, puis il est capable de dire que dans 1 minute et demie il sera à telle ou telle température. J’ai tenté le pari, pensant qu’il bluffait, il a trempé un thermomètre pour les incrédules comme moi, et j’ai perdu mon pari. Ne cherchez pas à défier Sylvain, c’est peine perdu.
A l’heure dite, c’est prêt, et là tout va s’activer.
La chauffe doit s’arrêter, il va donc séparer le chaudron du feu, avec le palan, en ouvrant le foyer.
Ensuite muni d’une toile, dont il va accrocher un bout autour de son cou, avec l’autre extrémité et l’aide d’une fine baguette, il va d’un geste sur en un seul et unique passage, récolter tout les grains de fromage de la cuve (40kg), et les envelopper dans son linge/filet.
Puis il va accrocher le linge/filet, toujours sur le palan, et déposer le ballot de 40kg sur la table à pressage se trouvant derrière lui.
Il s’agit maintenant de presser afin de faire rentrer le tout dans le moule. Puis de passer à la presse à serrage. Petit encart: une personne sur place a essayé de manipuler la presse à serrage, sans y arriver, Sylvain lui, a donné 5 ou 6 tours, cela semblait tellement facile.
Le préaffinage, réalisé sur place, dure trois semaines durant lesquelles Sylvain frottera avec de l’eau et du sel le fromage et le retournera régulièrement.
Lorsque la phase de préaffinage est terminée, le Comté de Sylvain sera affiné dans sa cave pour une durée de 4 à 24 mois, avant de pouvoir procéder à la vente de ses fromages.
Quelle leçon ce matin. Qui a dit que faire un fromage c’était simple et relax. Je peux vous assurer que Sylvain n’a pas besoin d’aller en salle de muscu. Il s’évite un abonnement 🙂
Si vous passez par Thoiria et avez réservé bien sur, certes assistez à la fabrication (je rappelle que c’est gratuit), mais ne repartez pas après le show sans passer par le magasin. Apres tout le travail de l’homme a son prix, et justement les prix du fromage ici ou ailleurs sont les mêmes. Alors préférez prendre votre comté ici, et rappelez vous que tout travail mérite salaire.
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Les photos de cet article qui portent le ©Normann (BXL5) ont été prises par son auteur. Cet article n’est pas sponsorisé, j’ai donc payé mon addition.
Bonjour,
Belle présentation de la fabrication du fromage à l’ancienne. Le foyer sur lequel chauffe le chaudron, se nomme « foyer fermé » ? A-t-il une appellation plus local ?
Merci
Aucune idée malheureusement