Le Prieuré Saint-Géry c’est le restaurant en pleine nature de Vincent Gardinal le trublion de la gastronomie, l’homme dont tout le monde parle mais qui sait se faire discret. Et pour rencontrer Vincent, si, comme moi vous habitez Bruxelles, il va vous falloir avaler quelques kilomètres, 90 pour être exact, et prendre environ 1h30 de votre temps, mais comme je dis souvent : quand on aime on ne compte pas. Et c’est ce que j’ai fait en cette fin septembre 2017, je n’ai pas compté et j’ai bien fait.
Le hasard a voulu que Vincent Gardinal, tout jeune chef, se pose au Prieuré Saint-Géry en 1993 dans le petit village de Solre-Saint-Géry, une section de Beaumont dans la province de Hainaut. Si on en croit les historiens, il semblerait que Solre-saint-Géry ait été donné par sainte Aldegonde, fondatrice de Maubeuge, à son monastère. On est donc presque en France 🙂
Blotti parmi les lierres et les vieilles pierres de sa façade, le Prieuré de Vincent Gardinal invite ses hôtes à oublier le monde extérieur pour pénétrer dans un univers où la délicatesse se conjugue par touches subtiles dès la porte franchie. Ici, on a le sentiment d’être invité, choyé dans un temps à part. On se déleste de ses soucis, tout est plaisir, moments privilégiés.
C’est l’Art de Vivre dans sa quintessence que plébiscite l’Hostellerie Le Prieuré Saint-Géry.
Vincent a pris de son temps pour me raconter son parcours et m’expliquer que sa seule ambition c’est d’être un très bon aubergiste de campagne. D’emblée, le chef annonce la couleur, l’homme est humble et abordable. Ses livres de chevet sont ceux de Michel Guérard et d’Alain Chapel (malheureusement décédé en 1990), deux confrères révolutionnaires un temps mais devenus incontournables aujourd’hui. « Ce sont des poètes, mes maîtres à penser » dixit Vincent. Le chef Gardinal est né il y a 43 ans à Houdeng, dans l’entité de La Louvière, il suit un parcours classique qui le mène de l’école hôtelière à la table doublement étoilée d’Eddie Van Maele. Arrivé au Prieuré Saint-Géry par hasard, Vincent Gardinal le reprend en 1996. Très rapidement, il acquiert une étoile, et sur le dernier Gault & Millau il frôle les sommets avec une note de 18/20, ce qui hisse le restaurant dans la galaxie des meilleures tables du pays.
20 ans plus tard, on ne vient pas par hasard à l’Hostellerie Le Prieuré Saint-Géry, on sait qu’on sera attendu par une équipe aux petits soins, on sait aussi que le chef sera présent derrière ses fourneaux, et on sait également que l’on va découvrir ou redécouvrir une cuisine d’auteur, un respect du produit, du client et de la saison. La doctrine de Vincent : le goût du terroir est aussi celui des hommes qui le constituent, chaque jour que Dieu fait.
Pour ce dîner grandiose, organisé de main de maître par Fabrice Jacquart, nous avons été placés dans une petite salle cosy, légèrement en retrait, où une nouvelle porte-fenêtre a été percée pour profiter pleinement de la luminosité naturelle.
Le restaurant de plus ou moins 35 couverts se compose d’une grande salle et d’autres plus petites, ainsi chacun trouve ici la petite table pour amoureux ou la plus grande table pour la famille et les amis, ainsi qu’une magnifique terrasse pour les beaux jours.
Le restaurant s’accompagne d’une hostellerie de charme : 4 chambres douillettes et 2 suites s’orchestrent autour de la galerie de l’ancien prieuré. Chaque chambre est différente dans son ameublement, son habillage, son atmosphère. Discrètement, ici et là se glisse le geste d’une attention délicate : quelques fleurs ou un petit bouquet d’herbes parfumées, des bonbons, un fruit …
Je pars toujours du principe que dans un restaurant, la décoration contribue énormément aux plaisirs gustatifs, ici c’est raffiné. On a rénové et aménagé avec beaucoup de goût, tout en préservant de nombreux éléments d’époque, notamment les poutres apparentes, et on a décloisonné largement les espaces.
Un petit tour par les cuisines où on s’affaire à diverses taches, telles que par exemple : la cuisson du pain, et dieu sait que le pain frais j’adore ça. Ici j’ai cru reconnaître ce que l’on appelle « Mauricette » en Alsace, une institution, et pour cause la pâte à mauricette est la même que la pâte à bretzels !
Le restaurant se remplit rapidement, ce soir on affiche complet, les chambres elles aussi, sont toutes réservées. J’ai regretté de ne pas avoir logé sur place lorsque j’ai dû, à 1H30 du matin, reprendre la route, il paraît même que certains jours c’est Vincent qui sert les petits déjeuners du Prieuré Saint-Géry 🙂
On parle souvent de cuisine, de belles salles, on oublie parfois quelques petits détails qui font d’un lieu un endroit privilégié et magique « les toilettes » et ici au Prieuré Saint-Géry on a poussé le luxe jusqu’au petit coin.
Un repas à la table du Prieuré Saint-Géry c’est aussi un spectacle. Chaque plat est méticuleusement mis en scène dans une luxueuse vaisselle, principalement signée des grands noms de l’art de la table. Nul vanité en cela mais une réelle osmose entre contenant et contenu : le geste de l’artiste qui aime surprendre l’œil autant que le palais. Vincent Gardinal crée des assiettes qui sont autant de tableaux, à moins qu’elles n’évoquent la haute couture, ou encore la création joaillière.
Une chose qui m’a fait sourire c’est quand j’ai entendu le personnel de salle se passer le mot « Monsieur Jacquart vient d’arriver, Monsieur Jacquart vient d’arriver….. », un peu comme si le messie, le roi de Belgique, le guide Michelin venait de pousser la porte 🙂
Avec le chef Gardinal, ce que l’on appelle le menu promenade gourmande s’est transformé en menu sur mesure.
Pour les vins qui ont accompagnés notre menu, je ne vous parlerai pas de la longue liste du jour; mais de deux vins exceptionnels qui ont marqués ma soirée :
- En apéritif un Rosé Impérial Moët et Chandon de 1998, une teinte rosée, aux reflets cuivrés. Un vin à son apogée à boire maintenant. Un assemblage délicat de Chardonnay, de Pinot Meunier et dominé par une majorité de Pinot Noir. Un champagne séduisant, charmeur et d’une remarquable régularité, il dégage au nez des notes de fraise des bois, de groseille et des notes poivrées.
- Un Château Rayas de 2002 à prix démocratique, surtout lorsqu’on connaît la cote actuelle de ce millésime. C’est le domaine emblématique du Rhône, très apprécié des connaisseurs. Plus qu’un mythe, Château Rayas est une réalité, celle d’un terroir unique sur l’appellation Châteauneuf-du-Pape. Difficile à comprendre jeune, Rayas prend toute son ampleur avec l’âge, c’est un vin magistral de raffinement, d’intensité et de profondeur. Il présente une bouche suave, tout en nuance, mais avec la persistance d’un vin qui, sous une apparente douceur, est bâti pour plusieurs décennies. Je ne suis pas un grand fan de vins rouges, mais ce qui m’a plus dans celui-ci c’est ce petit goût de vin cuit. Je ne suis pas assez connaisseur pour vous dire si il était à la hauteur de sa réputation, j’ai juste apprécié, et c’était pour moi une première avec un vin aussi reconnu.
Notre menu
Première série de mises en bouche :
- Maquereau mariné, trévise confite, guacamole, mousse de kalamansi
le Kalamansi est un tout petit citron vert qui nous vient d’Asie du sud Est. - Sorbet de pamplemousse rose.
- Madeleine de chorizo, poivrons confits, jeunes artichauts
Seconde série de mises en bouche :
- Croque monsieur revisité, textures de melon, œuf de caille
- Croquette de moules bouchots, écume de bouillon, petits légumes confits
- Homard bleu Breton, mayonnaise de homard, tomates à l’ancienne, vinaigrette à la tomate jaune, guacamole.
- Turbo Breton, caviar d’aubergine, chips de pommes-de-terre, sabayon aux poivrons confits.
- Médaillon de Lotte cuisson basse température, sauce curry, caviar d’aubergine tomates confites et artichauts, tapenade d’olives noires, texture d’artichauts, tomates cerises confites, jus curry et coquillages.
8h de cuisson à basse température pour cette lotte, rien que ça je n’ai pas de mot, une texture incroyable, on aurait pu penser que la tapenade allait écraser les goûts, mais c’était sans compter sur Vincent pour un dosage parfait.
- Langoustine royale, cèpes, haricots paimpol, mousse de pommes de terre et pecorino, sauce de roquette.
La taille de cette langoustine était impressionnante. - Poitrine de pigeonneau cuisson en basse température puis rôtie, ailes et cuisses confites, râpé de mimolette, texture de carottes, petits pois, sauté de girolles.
- Chevreuil, foie gras, agrumes, céleri-rave, lentilles croustillantes, sauce poivrade.
Un plateau de fromages savamment disposé, ici on vous sert généreusement, et accompagné de fruits secs marinés, personnellement j’ai choisi une date Medjool (houlala !).
- Poire caramélisée, biscuit muscovado, caramel au beurre salé, gel de poire, sorbet à la poire, textures de noisettes.
- Prune rôtie, coulis de prune, crumble cannelle anis, glace à la cannelle, biscuit choux fleur et texture de choux fleur.
Et pour terminer le chariot de mignardises et ses sorbets maison.
Affichant une prédilection pour les produits nobles et les meilleurs producteurs d’ici et d’ailleurs, Vincent Gardinal pratique une cuisine qui s’inscrit dans la tradition de la belle gastronomie tout en étant interprétée de manière très personnelle, sans cesse réinventée entre saveurs, textures, couleurs. Le chef sait décliner la générosité avec légèreté, le classicisme avec modernité, la gourmandise avec élégance, le luxe avec sérénité. Il aime aussi varier les plaisirs du pain tous faits maison selon des recettes originales. Il y a aussi le chariot des fromages, nombreux, rares, magnifiques ! Et cerise sur le gâteau ses portions sont généreuses (ce qui, en gastronomie, n’est pas toujours le cas reconnaissons le).
Aux fourneaux, pas question de recourir aux artifices, ce sont les méthodes traditionnelles (tant mieux pour moi, j’aime le traditionnel) que le chef pratique pour faire du délicieux avec de beaux produits, des plus simples aux plus rares. Volailles farcies, marinades, réductions interminables des sauces, cuissons minutieuses… Des gestes fondateurs de la cuisine, pratiqués de moins en moins souvent dans les restaurants ou dans les foyers, que Vincent Gardinal revendique sans sourciller. Le plus sincèrement puisque c’est ce qui importe au chef c’est : être libéré des codes de la nouveauté à tout prix, du sensationnel ou du n’importe quoi pour cuisiner en accord avec sa sensibilité, avec générosité, ardeur et énergie aussi ! Classique mais n’appartenant pas au passé, la carte ose aussi les coups d’éclat au gré de subtiles associations de saveurs, de textures, de couleurs. Chercher plus loin, affiner un goût, puiser dans l’imaginaire et dans l’amour du métier.
Tout est dit, arrivés à 19H30 nous sommes sortis à 1H30 du matin, – mais quel repas mes amis.
Hostellerie Le Prieuré Saint-Géry. 9 rue Lambot 6500 Solre Saint-Géry Tél +3271589700
Fermeture : lundi et mardi, jeudi et samedi midi (excepté jours fériés)
Site web
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j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de pouvoir apprécier les délices au prieuré !
A chaque fois, j’ai été conquise par le service, la cuisine, le cadre !
Ce sera toujours avec grand plaisir que j’y retournerai !
Toutes mes félicitations !
Merci pour cette excellente découverte, un éveil pour les papilles et un lieu d’exception
Merci Adelaide